Benoit Aquin Rural2015 Intéressé par la réalité du monde agricole, j'ai récemment commencé à visiter des fermes en proximité de Montréal afin de les photographier. Non seulement ai-je trouvé un sujet qui poursuit les préoccupations écologiques qui guident mon travail depuis de nombreuses années, mais il m'a semblé que ces fermes constituaient un cadre adéquat pour radicaliser ma pratique photographique.J’ai été invité à participer à une résidence en Picardie avec Diaphane. Je crois que l’exploration de ce territoire français et des pratiques agricoles qui y sont liées ajouteront un pivot important à la démarche que j’ai entamée. Pour bien comprendre le projet proposé, il faut savoir qu'à propos des perspectives offertes par le monde agricole à l'horizon de 2050, les agronomes Mazoyer et Roudart considèrent que nourrir une population mondiale estimée à 9 milliards d'humains supposera une intensification drastique de l'agriculture sur l'ensemble de la planète. Quelques errances dans les campagnes québécoises suffisent à témoigner que cette intensification est déjà effective. Là où la force de l'homme a été supplantée par une machinerie agricole de jour en jour plus sophistiquée, il n'existe plus de différences réellement significatives entre la production du vivant et l'industrie de l'armement. Là où la spécialisation du travail agraire désagrège des tissus communautaires immémoriaux, la quête spirituelle devient une bouée de survie. Là où, enfin, l'anthropisation de la terre nourricière a rompu l'équilibre et l'harmonie qui unissaient jadis l'homme et la nature, la vie est en sursis. Un regard sur le modèle français me semble tout aussi légitime pour diffuser ma vision du monde rurale et de ses transformations. Ce projet s’inscrit dans la continuité des travaux photographiques que j'ai réalisés depuis près de dix ans, sur des enjeux environnementaux importants de notre époque et dans diverses régions du monde. Mentionnons notamment le projet Le « Dust Bowl » chinois, un essai réalisé de 2006 à 2009 et portant sur la désertification due aux mauvaises pratiques agricoles et à la pression démographique dans le nord-ouest de la Chine. Récompensé du Prix Pictet, qui est décerné à des œuvres photographiques qui sensibilisent le public à la cause du développement durable, ce projet a fait l’objet de plusieurs expositions internationales et des images qui en sont tirées font désormais parties de nombreuses collections.J’essaie de présenter la nature, non pas d’une manière romantique, comme un lieu idyllique, sauvage, séparé et immuable, qu’il faudrait conserver tel quel, mais comme un système, un système de relations, ouvert et en constante transformation, qui comprend les activités humaines. Un projet qui peut aussi ouvrir sur un projet politique—l’équilibre des forces, l’entretien du système—à des fins simplement humaines."Benoit Aquinwww.benoit-aquin.com Benoit Aquin a été accueilli en résidence en Picardie en juillet 2015 dans le cadre d’un partenariat entre Diaphane et les Rencontres internationales de la photographie en Gaspésie, avec le soutien de la Commission permanente de coopération franco-québécoise